Mis en relation par une connaissance commune, A., fraîchement séparée de son mari, décide de sortir de son malheur en rencontrant le Prince de Clèves autour d’un verre.
Point de vue de A. :
Il était déjà 18h. Nous avions rendez-vous à 18h30. Le temps d’un repas, d’un verre. De plusieurs peut-être. J’étais un peu excitée à l’idée de sortir, de rencontrer quelqu’un. De reprendre ma vie en main. Car après tout, une femme seule, ça craint un peu. Pourtant je ne suis pas spécialement vieille. 46 ans, un job bien placé… Et de nouveau seule, depuis le départ d’Adrian pour une autre pimbêche.
Je prends mon sac, j’enfile mon manteau et je sors. Il fait bon dehors, je hume l’air empli de touches automnales, je me sens bien. L’angoisse monte un peu. Suis-je jolie ? Ai-je l’air appréciable ? C’est avec ces pensées tragiques que j’arrive devant le bar. Il est là. Je le reconnais tout de suite. C’est un ami d’une collègue, elle m’a proposé de le rencontrer. On a rapidement discuté, je voyais sa tête s’afficher sur la bulle de conversation Messenger et l’idée de se voir s’est vite présentée. En m’approchant, je me demande à quoi tout cela va mener. Je n’ai pas spécialement d’attente, enfin peut-être que si, au fond. En apprenant à le connaître, vais-je réussir à surmonter ma peine ? A oublier Adrian ? Je me hais d’avoir ce genre de pensée puérile. Est-ce vraiment moi qui parle ?
« Salut A ! » me lance-t-il de sa table de bar où il est assis.
Je lui souris et m’assois en face de lui. Lui aussi me sourit. En discutant, je l’observe calmement. Le teint pâle, les cheveux bruns, le regard tendre… Il me rappelle celui d’Adrian quand… J’essaye de chasser ces pensées et je me concentre sur ce qu’il raconte. Il me raconte ses péripéties au boulot, il travaille en tant qu’agent commercial. Classique. Trop classique. J’attends, peut-être qu’une lumière va venir illuminer mon esprit, m’indiquant que oui, ça y est, je l’aime, c’est l’homme de ma vie. Mais puis-je vraiment avoir un deuxième homme de ma vie ? Suis-je condamnée à errer sans but, hantée par les souvenirs de l’ancien être aimé ?
Je demande un second verre de vin alors que lui n’a pas fini son premier. Franchement, plus le temps passe, plus je le trouve chiant. Il me raconte ses histoires avec ses amis quand il part dans le Sud, des conneries qu’ils font ensemble… Je sens qu’il veut que je m’exprime plus, mais je ne peux pas. J’ai souvent ce genre de blocage, où je laisse l’autre parler et l’écoute. Il doit se dire que je suis ennuyeuse lui aussi. La question de savoir si l’on prend un repas ensemble ou pas se présente. Je le regarde, je vois sa jambe trembler. Il plaque sa main contre sa jambe afin d’apaiser le gigotement. Peut-être qu’il est mal à l’aise. J’ai du mal à savoir ce qu’il pense, en réalité. Il continue de parler. Peut-être que ça lui fait plaisir. Je ne passe pas un si mauvais moment en vérité, même si je m’ennuie un peu. Je pense rester encore un peu, histoire de voir. De voir quoi ? De voir, si peut-être quelque chose dans mon esprit va se déclencher, va me faire réaliser que… Je réalise que je ne l’écoute plus du tout. Je lui souris de temps en temps, histoire de faire genre.
Puis il me dit qu’il ne va pas pouvoir manger avec moi ce soir, car il a des choses qui l’attendent. Il se confond en excuses, je lui dis que ce n’est pas grave. Je suis vraiment étonnée de la sincérité qui semble se refléter dans son regard. Soit il joue très bien la comédie, soit… Déjà, mes pensées vagabondent. Que retenir de ce soir ? J’ai bien bu. Mais je me sens aussi coupable que ce rendez-vous n’ait mené à rien. A rien du tout. Je pense de nouveau à Adrian. Son visage me hante. Je n’arrive pas à le faire disparaître. Je ne peux pas. Et pourtant, lui m’a bien vite oublié… C’est avec ces pensées douloureuses que je rentre chez moi.
Point de vue du Prince de Clèves :
Cela fait maintenant un moment que je suis à la recherche d’une femme à épouser, c’est un devoir pour tous les hommes de ma prestance. Je ne peux pas me satisfaire de la première femme qui se présente à moi alors il me doit au moins de passer du temps avec chacune d’entre elles avant de me décider.
Une de mes connaissances, la femme d’un bon camarade, m’a organisé une rencontre avec une de ses amies. Elle m’a expliqué qu’elle a longtemps été en relation avec un autre homme, mauvais départ, mais qu’elle est tout à fait charmante alors en tant que gentleman je me doit de lui donner sa chance. Le rendez-vous est prévu à 18h30, évidement je me rends sur place une bonne demi-heure en avance. Les codes de la haute société, toujours arriver bien avant l’heure. J’ai le temps de nous trouver une table un peu de à l’écart pour favoriser la discussion. Je la vois arriver alors je me lève pour la saluer.
« Bonsoir Madame, comment vous portez-vous ? »
Elle est très élégante, ce que l’on m’a dit est donc vrai.
Elle s’assoit en face de moi et je lui souris, un sourire charmeur que je ne réserve qu’à certaines femmes. Je prends les devants et je lui parle de tout, mon statut de Prince, ce que cela signifie concernant mes responsabilités et mon rôle dans la société. Les femmes sont toujours impressionnées et c’est avec fierté que je lui dresse la liste de toutes les terres que je possède. Je vois qu’elle est tout de suite charmée, je sais ce que les femmes recherchent, elles veulent un homme beau, fort et riche. Elles ont besoin d’être protégées, rassurées je suis là pour lui offrir tout ce dont elle a besoin. En échange elle sera la femme parfaite à mes côtés, elle m’offrira un héritier ou plusieurs et m’accompagnera à tous les évènements officiels. Je pense lui avoir fait comprendre que j’étais un homme à la hauteur contrairement à son ancien époux. Elle m’écoute parler sans m’interrompre, c’est de bon augure, elle reste à sa place. Elle me sourit un peu juste suffisamment pour me faire comprendre que je l’intéresse. Un peu trop.
Mes exigences sont élevées, je ne peux me permettre de marier une femme qui m’aime trop, les sentiments vont m’éloigner de mes responsabilités. Je décide de mettre fin à cette rencontre, si l’un de mes rivaux me voit en présence d’une femme que je ne compte pas épouser cela va porter préjudice à mon image. Je quitte les lieux sans même la raccompagner chez elle, c’est humiliant peut-être mais le message reste clair.