Lire un livre ou regarder un film, établit une connexion avec le narrateur. C’est lui qui nous conte cette histoire, qui nous intrigue et qui nous provoque des sensations. Il nous manipule pendant tout ce temps. Cela vous est déjà arrivé de regarder un film et de découvrir la vérité, on se rend compte que la caméra ne souhaite nous montrer que ce qu’il souhaitait que l’on voie. Créant une frustration de ne pas voir celui qui est le tueur en série. Hitchcock use parfaitement de ce procédé dans Psychose, filmant le meurtre de Marion et ne voyant pas une seule fois la personne qui assassine notre personnage principal féminin. Croire que l’on a la réponse en nous laissant des indices, alors qu’on nous embarque vers une fausse piste.
Le narrateur se joue de nous durant toute l’aventure qu’il nous évoque. Ainsi en usant de certains stratagèmes tel que la polyphonie, il agrandit cette sensation. Il nous mène par le bout du nez afin de nous entraîner là où il le souhaite. Il permet au lecteur de s’identifier plus facilement aux personnages et crée un suspense plus conséquent. En tant que lecteur, on se demande comment les personnages vont pouvoir se relier, ce qui les unit dans leurs différences.
« Il faut bien qu’elle comprenne ». Notre petite Maladroite d’Alexandre Seurat est victime de maltraitance infantile, et finira par en mourir. L’auteur nous le démontre rapidement. Dès les premières pages, il n’y aucune place au doute. En racontant l’histoire violente de cette petite fille, Alexandre Seurat relate les faits à travers son entourage. Créant chez son lecteur, une affluence de sentiments et développant la culpabilité des autres personnages. Il accentue la contribution au malheur de la petite fille, ils auraient pu intervenir à n’importe quel moment. La successivité des émotions des personnages se fait d’une telle rapidité que nous n’avons pas le temps de nous apitoyer sur leur sort. Comme une sorte d’enquête, l’auteur amène toutes les preuves. De quoi ? On ne sait pas vraiment. Mais il nous implique dans ce déchaînement qu’a subi la petite fille. Ce choix polyphonique permet ces sensations auprès du lecteur, l’auteur souhaite faire un catalogue en montrant seulement quelques petits aperçus. Faire monter le suspense, le malaise qui submerge le lecteur, donner du poids aux mots de chacun des personnages. Ils avaient l’opportunité de stopper cette violence et la peur de se tromper ou de blesser coupe toute possibilité à la maladroite de se sauver de ce quotidien.
Ce roman traite de ce que cela laisse, transmet chez l’entourage de la personne qui a subi une violence, c’est développer un problème profond : chacun chez soi. On croit mieux savoir ce qu’il se passe chez les autres parce qu’on les côtoie mais personne ne sait réellement la douleur de cette petite fille qui est comme les autres, maladroite. Le traumatisme d’une vie qui est traité par les autres, est un sujet très actuel. Aux éditions Héloïse d’Ormesson, Manon Fargetton publie Tout ce que dit Manon est vrai où la construction de ce roman amène à la même conclusion que La Maladroite : la polyphonie permet de transcrire ce que l’on ne voit pas chez les personnes qu’on aime.
Ce sont des témoignages hors du commun, donnant au lecteur un rôle actif. A nous de jouer.